Faire confiance aux torréfacteurs français pour sourcer le bon café de spécialité

Faire confiance aux torréfacteurs français pour sourcer le bon café de spécialité

Où trouver le café de spécialité en France ? Chez les torréfacteurs indépendants qui sont à la fois les garants de la qualité  et les relais d’engagements agricoles durables.  Cette confiance, essentielle pour remporter l'adhésion du grand public, se bâtit avant tout par les actes. Comment ? Découvrez-le à travers l'exemple de deux acteurs engagés : la Maison Anne Caron et l’entreprise Belco.

Dans un contexte marqué par des défis climatiques, géopolitiques et sociaux de plus en plus forts, les acteurs de la filière café sont appelés à se réinventer. Producteurs, coopératives, importateurs et torréfacteurs sont les maillons d’une chaîne mise sous tension. C’est ensemble, main dans la main, en collaborant à chaque étape, de l’arbre à la tasse, qu’ils peuvent faire émerger un café de spécialité à la fois durable, éthique et résilient.

De cette équation, le torréfacteur joue un rôle central. A la fois passeur de savoirs et trait d’union entre le terrain et le consommateur, il porte la voix des caféicultrices et des caféiculteurs, s'incarnant ainsi en véritable tiers de confiance dans la filière.

Comment ces relations tripartites se tissent-elles ? Quel rôle joue chacun à son niveau ? Au-delà d’un café d’exception, c’est toute une structuration éthique et horizontale de la filière qui se déploie. Des engagements concrets, porteurs de sens et d’avenir.

Lire aussi Partie II : Faire le choix du café de spécialité pour soutenir une caféiculture plus durable et plus humaine

De la cerise au grain torréfié, nombreuses sont les étapes de la terre à la tasse. Photo et photo de Une : Pauline Tezier

Producteurs, sourceurs, torréfacteurs : une filière café à rééquilibrer

Le café puise son histoire dans le passé colonial de l’Europe. Les relations Nord-Sud se sont forgées sur ce récit et ces échanges déséquilibrés. Aujourd’hui, il s’agit pour chacun de retrouver sa juste place. Et sur le terrain, ce n’est pas toujours évident à mettre en œuvre.

La filière café fait vivre environ 20 à 25 millions de petits producteurs et emploie 125 millions de personnes dans le monde (source : cafegraphie). Elle repose sur un écosystème dense, composé de nombreux acteurs, avec une longue tradition d’intermédiaires - exportateurs, courtiers, négociants – même si, ces dernières années, la tendance est à une certaine concentration et à une volonté de relations plus directes et équitables.

C’est donc un marché complexe, soumis à de nombreuses tensions, où producteurs, coopératives, importateurs et torréfacteurs forment les maillons essentiels d’une chaîne de valeur aussi fragile que stratégique.

Au sein de la filière de café de spécialité, la Maison Anne Caron œuvre pour rendre les relations plus soutenables, plus responsables. En collaborant avec Belco, sourceur de café vert engagé, ces deux acteurs participent, aux côtés des producteurs, à la construction d’une filière plus éthique et résiliente.

« C’est une relation tripartite : un torréfacteur, un sourceur avec une assise locale et un producteur ou une coopérative » explique Matthieu Chaumont, responsable produit & impact de la Maison Anne Caron. Le choix de ce modèle ne relève pas d’une simple commodité opérationnelle, mais bien d’une conviction forte. « Le sourcing c’est un métier à part entière. On a toujours besoin d’un tiers avec une empreinte locale. C’est fondamental pour construire des partenariats durables. » ajoute-t-il.

Un positionnement clair, qui refuse l’illusion du white savior capable de parcourir les plantations à la recherche du café idéal. Car dans une filière aussi fragmentée, il est illusoire et peu responsable d’imaginer piloter depuis la France des centaines de relations directes.

« En 2023, on comptait 3 250 familles de producteurs engagées dans la culture des cafés que nous achetons. Pour une PME comme la nôtre, être en contact direct avec toutes ces familles serait tout simplement ingérable » souligne Matthieu Chaumont, responsable produit & impact de la Maison Anne Caron

C’est ainsi que cette relation de confiance s’incarne dans le lien avec un sourceur comme Belco, à la fois facilitateur de relations et véritable ancrage terrain entre producteurs et torréfacteurs. « Belco est le lien entre les différents acteurs de la chaîne de valeur. On souhaite un équilibre des pouvoirs, des prises de décisions et des impacts positifs » affirme Jean Etchats, responsable du sourcing chez Belco.

« On ne choisit pas des cafés, on choisit des fermes », résume-t-il, avant d’ajouter « le sourcing, c’est un lien humain. On construit dans la durée, avec une vision partagée entre producteur, sourceur et torréfacteur ».

Sortir du modèle verticalisé hérité du commerce colonial, redonner du pouvoir d’agir à chaque maillon de la chaîne, construire des relations horizontales basées sur la réciprocité : telle est la vision qui guide leur collaboration. Ici, chacun à sa place, et surtout, personne ne construit seul. Ce sont les liens tissés entre les acteurs, dans la durée, qui dessinent un avenir plus viable pour la filière.

Producteurs, sourceurs, torréfacteurs : une filière café à rééquilibrer
« On ne choisit pas des cafés, on choisit des fermes » Photo : Pauline Tezier

Le sourceur, catalyseur de confiance locale

Historiquement basé à Bordeaux, Belco a opéré un tournant majeur en 2013 avec la volonté de se spécialiser dans le café de terroir. Ce choix a initié une transformation profonde du modèle d’importateur: implantation à l’origine, création d’agences locales devenues depuis de véritables filiales, autonomes et pleinement intégrées dans les dynamiques locales.

Aujourd’hui, les filiales d’Éthiopie, du Salvador et de Colombie permettent de bâtir une relation à la fois humaine, technique et durable, au plus près des terroirs caféiers. Ingénieurs agronomes, experts qualité, Q-Graders, sourceurs... Les équipes sont composées de profils complémentaires, capable d’accompagner les producteurs à chaque étape. Mais au-delà de l’expertise, c’est la connaissance fine du terrain et le lien direct avec les caféiculteurs qui font la différence. Un lien nourri de confiance, de co-apprentissage, et d’un véritable partage de vision.

Dans un marché du café en pleine mutation, confronté à d’importants défis environnementaux et économiques, Belco fait le choix de la relation longue. « Nous ne sommes pas dans une logique opportuniste. Dans notre définition du sourcing, il y a vraiment cette volonté de construire et de créer des liens tout au long de la chaîne de valeurs. » insiste Jean Etchats, responsable du sourcing.

Cette construction débute dès le choix des fermes ou des coopératives. L’engagement des partenaires, leur vision, mais aussi la qualité du travail agricole, la typicité du terroir et le profil en tasse du café sont autant de critères fondamentaux. « On a bien sûr plusieurs gammes de l’excellence jusqu’à des cafés plus accessibles, mais toujours avec un profil qualitatif qui met en valeur le terroir. », souligne Jean.

Pour renforcer ces liens, Belco met en œuvre des accompagnements très concrets. La mise en place de laboratoires de contrôle à l’origine permet par exemple aux producteurs de mieux connaître et valoriser leur propre production, en dégustant et en analysant leurs lots. Un savoir qui devient levier d’autonomie.

Mais l’accompagnement va bien plus loin. En Colombie, une productrice a dédié une partie de sa plantation à des expérimentations menées avec Belco. « Des expérimentations sont menées pour tester de nouvelles pratiques agroécologiques avec un impact positif sur l’environnement et sur les rendements. » précise Jean.

Enfin, cette vision prend toute sa force dans des trajectoires inspirantes. L’histoire de Khalid Shifa, producteur éthiopien devenu exportateur, illustre parfaitement cette dynamique. Accompagné par Jacques Chambrillon (Directeur du sourcing Afrique pour Belco), Khalid a pu développer son activité, passer à l’export en 2018, puis créer une pépinière de variétés de café et d’arbres d’ombrage. En quelques années, il est passé de 40 à 4 000 sacs exportés, devenant lui-même moteur du changement dans sa région.

Ce type de trajectoire n’est rendu possible que par un ancrage local fort et par une vision horizontale de la chaîne de valeur. Loin d’une logique descendante, Belco agit comme catalyseur, transmetteur, co-constructeur.

Le sourceur, catalyseur de confiance locale
Qu’elle soit géographique, agricole ou sensorielle, la traçabilité est au fondement même de la relation de confiance que le torréfacteur entretient avec ses clients. Photos : Pauline Tezier

Le torréfacteur, garant de la traçabilité et de la transparence

Cette vision horizontale est pleinement partagée par la Maison Anne Caron. Au cœur de la filière café, la traçabilité constitue un levier indispensable pour garantir au consommateur final, un café de qualité.

Qu’elle soit géographique, agricole ou sensorielle, cette traçabilité est au fondement même de la relation de confiance que le torréfacteur entretient avec ses clients. La Maison Anne Caron la cultive avec rigueur, en s’appuyant sur des outils précis de contrôle et d’analyse à chaque étape de la chaîne.

« On a différents outils de contrôle qualité qui nous permettent de vérifier que ce qu’on achète à l’origine, ce qu’on reçoit sur nos installations de Saclay, est bien ce qui est rempli dans les sacs pour arriver chez nos clients », explique Matthieu Chaumont, responsable produit & impact de la Maison Anne Caron. Cela signifie connaître les pratiques culturales en vigueur sur les plantations, pouvoir s’assurer du respect des cahiers des charges – qu’ils portent sur l’agroforesterie, la gestion de l’eau ou l’utilisation des déchets organiques. Et pour cela, rien ne peut se faire sans relais terrain.

Cette vigilance s’exerce en étroite collaboration avec les partenaires sourceurs et les producteurs. Comme le souligne Jean Etchats, responsable du sourcing chez Belco, « pour chaque café, on sait de quelle ferme, de quel terroir il vient ». 

L’entreprise travaille actuellement au développement d’une plateforme numérique dédiée à la traçabilité. Celle-ci permettra d’enregistrer l’ensemble des données des producteurs, de suivre les lots en direct, d’assurer leur localisation précise et de garantir une continuité d’information dans le temps.

Mais ce travail ne repose pas uniquement sur des systèmes centralisés. Belco, comme la Maison Anne Caron, valorise également les outils existants sur le terrain. « Beaucoup de coopératives disposent de très bons systèmes de traçabilité internes, qui leur permettent par exemple de ne pas mélanger les lots bio avec les non-bio », ajoute Jean. Car chaque café porte une histoire singulière, et c’est cette narration qui fait aussi sa valeur.

Cette exigence de transparence va devenir encore plus essentielle avec l’entrée en vigueur prochaine du règlement européen EUDR (European Union Deforestation Regulation). Ce corpus législatif vise à lutter contre la déforestation importée et imposera à tous les importateurs de lier chaque lot de marchandises à des données précises, notamment des coordonnées GPS issues des zones de culture concernées.

Dans ce contexte, le rôle du torréfacteur prend toute sa dimension. À l’image de la Maison Anne Caron, il devient un véritable gardien de la traçabilité, à la croisée des exigences réglementaires, des réalités agricoles et des attentes croissantes des consommateurs. Il porte ainsi la responsabilité de garantir la transparence et l’authenticité des cafés qu’il sélectionne, torréfie et partage.

NDLR : Mathilde Bouterre est rédactrice pour La Maison Anne Caron et au sein du collectif Gourmand et Engagé. Cet article s'est fait sous la supervision éditoriale de Places du Café, qui n'a reçu aucune rémunération pour sa publication. 

 

Continuez votre lecture

Rencontre avec Marie-Hélène Kennedy, créatrice du Concours du meilleur coffee shop de France
Faire le choix du café de spécialité pour soutenir une caféiculture plus durable et plus humaine
Primadonna Aromatic, Specialista Maestro Cold, Dedica Duo : quelles sont les nouveautés De'Longhi 2025 ?