Beantropy 2025, comment la communauté du café de spécialité  pense son avenir

Beantropy 2025, comment la communauté du café de spécialité pense son avenir

C’est à Paris, le 1er juillet 2025, que s’est déroulée la seconde édition de Beantropy, intitulée To be or not to Be Specialty Coffee. Alors que l’essor du café de spécialité est mondial, comment améliorer sa production, sur un plan environnemental comme humain ? Comment le faire connaître au plus grand nombre pour ne pas devenir élitiste ? Autant de questions abordées lors de Beantropy, événement coorganisé par Terres de Café et Belco.

Beantropy, l'avenir du café de spécialité passe par l'éveil au plus grand nombre

J'ai assisté au premier Beantropy, il y a un an, alors que Places du Café n'était pas encore créé. J'étais à la fois impressionné et un peu soucieux de savoir quel accueil on pouvait réserver à quelqu'un venant à peine de rejoindre la communauté du café de spécialité. Beantropy 2024 a gommé toute appréhension, tant les actrices et acteurs de la filière sont ouverts à la démocratisation de ce café empli de saveurs et de valeurs. Et ce point a été essentiel dans les discours entendus sur Beantropy 2025 : face aux défis suscités par le changement climatique, comment envisager l'avenir du café à travers l'exigence et la transparence du café de spécialité ? En parlant au public le plus large possible, et que par un changement de consommation, le café industriel s'efface au profit d'un café plus durable, plus humain et meilleur en tasse.

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Beantropy a accueilli près de 200 actrices et acteurs de la filière du café de spécialité, champions du monde ou MOF, torréfacteurs locaux ou nationaux, baristas, patrons de coffee shop, fabricants de machines, formateurs…

Impossible en un article de détailler tout ce qui a été dit en cette journée aussi caniculaire que dense. Voici les thèmes abordés au cours des conférences, masterclass et dégustations avec, évidemment, l'intervention des producteurs qui avaient fait le déplacement. Il est à noter que l'Afrique, grand continent du café de spécialité, n'a hélas pu être représenté pour cause de non délivrance de visas (no comment).

Nous aborderons bien sur, dans les semaines qui viennent, plus en détail, les thèmes abordés lors de Beantropy 2025.

Beantropy, l'avenir du café de spécialité passe par l'éveil au plus grand nombre
Christophe Servell, Fondateur de Terres de Café et Vice Président de Collectif Café (en bas à gauche) , Julien Cadet, Directeur des ventes Belco (en bas à droite) et Arnaud Causse, Directeur de la transition (Belco) et producteur en Equateur (en haut à droite) face à l'assemblée venue nombreuse de Beantropy 2025. Photos (c) Places du Café

Terres de café et Belco, de la source à la tasse

Christophe Servell est un des pionniers du café de spécialité en France, fondateur de Terres de Café et auteur de livres tels que à l'origine ou les goûts du café, co-écrit avec Pierre de Chantérac. Il a, avec Belco, pensé cet événement soutenu par un torréfacteur et un sourceur en contact permanent avec les fermes de café du monde entier. Leur point commun ? un soutien total au développement de la filière du café de spécialité.

Dans son discours d'introduction, Christophe Servell a déclaré :" il y a 5 ou 6 ans chez Terres de Café on se demandait comment on allait appeler la matière première que l'on achète et qu’on transforme : café fin, de qualité, traçable ??… Et puis on s’est dit : le monde l'appelle specialty coffee, alors choisissons café de spécialité. Est-ce que ça allait parler au public, on n'en était pas sûrs. Et voilà qu'aujourd’hui, dans le monde entier et pas qu’en France, les mots « café de spécialité » sont écrits partout : sur les vitrines, dans les réseaux sociaux et bien sûr dans les coffee shops. Mais attention, plus on parle de café de spécialité, plus on risque de vider ces trois mots de leur substance. On se rend compte que dans certains coffee shops, on ne nous sert pas un vrai café de spécialité. Il est donc urgent de répondre à la question : qu’est-ce qu’un vrai café de spécialité. Pourquoi y-a-t-il urgence ? Car le réchauffement climatique bouleverse la production de café."

Démocratiser sans galvauder, éduquer sans greenwasher et surtout établir une confiance elle aussi durable entre consommateurs et acteurs du café de spécialité, voilà un enjeu que l'on a senti tout au long de la journée. Pour Julien Cadet, Directeur des ventes Belco : "le café "est un symbole de convivialité, la boisson la plus partagée dans le monde. Mais c’est aussi affronter potentiellement la réduction de 50% des surfaces cultivables dans les prochaines années. Le café est donc aussi vulnérable que l’éco-système. Nous devons donc aujourd’hui faire des choix pour acheter autrement, transporter autrement et investir autrement pour préserver la pérennité de notre filière ».

Et que dire de l'importance du sol, de sa préservation et de sa régénération ? Le terroir, celui qui donne les saveurs uniques au café et que l'on oublie parfois un peu trop lorsqu'on boit sa tasse. Arnaud Causse, Directeur de la Transition chez Belco et lui-même producteur en Equateur, a révélé un nouveau concours : Soil of Excellence, qui récompense les efforts faits par les fermes pour prendre soin de leurs terres. Là aussi la qualité des sols est un facteur essentiel, sur lequel nous reviendrons bientôt avec Arnaud Causse.

 

 

Terres de café et Belco, de la source à la tasse
En haut à gauche : Mihaela Iordache, Brûlerie de Belleville et Pierre de Chantérac, terres de Café, ont animé les dégustations de cafés apportés par les producteurs présents. Ici avec Felipe Contreras de la Finca Gaston au Guatemala ; en haut à droite : Félix Chambi, de la ferme Lata 16 en Bolivie avec Cesar Magana, Directeur Cacao chez Belco ; en bas à gauche : Tessie et Ratibor Hartmann de Mi Finquita au Panama ; en bas à droite : Alejo Castro, Volcan Azul Costa Rica et Hunter Tedman, Black Moon Farm au Panama.Photos (c) Places du Café

Quand les producteurs jouent, et revendiquent, la carte de la transparence

Le café de spécialité c'est bien sûr une qualité supérieure à celle du café industriel. Il suffit de goûter pour s'en rendre compte, et cela même si on ne possède pas les capacités sensorielles d'un professionnel. Et cela demande une exigence et un travail en ferme beaucoup plus important, et donc un coût également plus élevé. Le café de spécialité est donc plus cher qu'un café de grande distribution, un peu plus, mais pas toujours, que celui d'un café en capsule. Il faut donc accepter, si on le peut, de payer plus cher dans les pays consommateurs comme la France. Oui, mais à condition de savoir où va l'argent.

Alors le mieux est d'écouter ce qu'ont à nous dire celles et ceux qui produisent le café. Ainsi Félix Chambi, de la ferme Lata 16 en Bolivie, qui échange avec Cesar Magana, Directeur Cacao chez Belco : “ on doit vendre du café mais aussi une histoire, qui parle aussi des difficultés comme l'approvisionnement en carburant que nous connaissons en Bolivie. Je torréfie depuis l'âge de 17 ans, ma soeur participe aux concours internationaux, j'ai créé un laboratoire de certification : nous montrons aux torréfacteurs quel est le vrai coût de la production, en sachant que toutes les années ne sont pas bonnes, et nous devons nous soutenir mutuellement”.

Un discours soutenu par Alejo Castro, d'une grande famille de producteurs de café au Costa Rica depuis plus de 200 ans :" le sujet économique est très important pour être durable. Il ne faut pas augmenter les prix en se basant sur le marché mais sur nos vrais coûts de production. La première fois que Christophe (Servell) est venu au Costa Rica, il a été intransigeant sur la qualité et c''est normal. Depuis, nous sommes devenus amis et travaillons en pleine confiance."

Confiance qui va de pair avec la transparence, comme le souligne Hunter Tedman, de la Black Moon Farm au Panama : “ le prix du café ? C’est quoi un prix juste ? Un producteur peut avoir des collaborateurs et les payer à un meilleur salaire.  Il faut l’inclure dans nos prix mais il faut que l’acheteur sache, et voit, que ce surcoût va vraiment dans la poche du travailleur.”

Tous le disent, pour avoir les moyens d'améliorer la qualité et les conditions de travail, il est indispensable d'aller chercher la relation avec le torréfacteur, en direct ou via des sourceurs comme Belco. Et que ce soient les torréfacteurs, voire aussi les coffe shops, qui justifient le prix au consommateur final.

C'est aussi ce que veulent Tessie et Ratibor Hartmann, membres d'une lignée de producteurs au Panama. Ils ont ainsi proposé à la dégustation leur geisha Mi Finquita. “C'est un projet qui m'est cher car nous laissons la nature s'exprimer dans celui-ci" déclare Tessie.  “Le plus important c’est de respecter le sol car c’est là où nous plantons le café, là où nous vivons. Mon grand-père et père me l’ont appris et je le transmets également” ajoute avec passion Ratibor :" je ne vends pas du café je propose une histoire. Il faut être transparent et je m’engage à faire des fiches techniques, à détailler toute ma production car l’honnêteté et la transparence sont fondamentales pour l'avenir du café de spécialité".

Quand les producteurs jouent, et revendiquent, la carte de la transparence
En haut à gauche et de gauche à droite : Nicolas Montero, Sudus Project Colombia, Ratibor Hartmann, Mi Finquita Panama,
Xavier Caro, Directeur Marketing De’Longhi, Christophe Servell, Leslie Laborde, Marketing durable Belco et Jacques Chambrillon, Directeur Café & Cacao Belco Afrique ; En haut à droite et de gauche à droite : Sandra Bouckenooghe, Ventes & Marketing La Marzocco, Martin Suard, coordinateur national Sca France, 
Mikael Portannier, élu meilleur ouvrier de France Torréfaction et Champion du Monde Torréfaction, Noa Berger, Sociologue du café, Xavier Caro, Directeur Marketing De’Longhi, Christophe Servell, Fondateur de Terres de Café, Rod Jounot, Fondateur de Comyu, Loïc Marion, Président de Collectif Café et Scott Rao, coffee roaster and consultant ; en bas à gauche: Scott Rao et Noa Berger. Photos (c) Places du Café


Le rôle essentiel des consommateurs

Les deux conférences de l'après-midi ont été consacrées à la manière dont le café de spécialité devait davantage être connu par le consommateur. On a vu que les producteurs étaient ouverts et affichaient une volonté d'information et de transparence. Mais en France, pays où le café de spécialité a encore de grandes marges de progression, tous les acteurs doivent se mobiliser. Ainsi quand Nicolas Montero, du Sudus Project en Colombie, favorise la création de couloirs de fleurs dans les plantations pour enrichir la biodiversité, il peut compter sur l'aide commune de Terres de Café, de Belco mais aussi de De'Longhi. La marque, élue récemment marque de machines à café en grains préférée des Français, est également très engagée dans ses actions auprès du Collectif Café, groupement de torréfacteurs. 

Là aussi nous reviendrons sur les actions que peuvent mener tous ces acteurs. Pour Scott Rao, torréfacteur américain et consultant depuis de nombreuses années, “tout s'accélère, la torréfaction passe de foncée à plus légère.  Au début on voulait de l’intensité et de l’artificiel, pour après vouloir du terroir et de la nuance.” Un sentiment que partage Noa Berger, sociologue du café : “le vin et le café viennent d’un fruit et se réclament tous deux de l'authenticité du terroir”

Il faut toutefois rester ouvert pour s'adapter aux changements climatiques, et ne pas rester “trop puristes voire puritains” et s'ouvrir à de nouvelles possibilités, comme celle d'un robusta pouvant lui aussi grandir dans la spécialité, ou la recherche de nouveaux process pour séduire le plus grand nombre.

 

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